18 mars 2012

Mekare . Le Trône et les Limbes



Un souffle sourd et violent parcourait ses membres, emplissait sa tête et l’air était froid. Un océan sombre et un néant profond se fondait dans son corps.« Depuis toujours, mon réveil est là » songeait-elle. Comme une ligne du destin, un fil d’Ariane infaillible qui la menait, toujours plus proche, à son rôle dans le monde. Ses yeux se révulsaient, des ailes de papillons écarlates dansaient au loin.. et bientôt les cris d’horreur. La jouissance. Dans son refuge, le monstre avait établis son règne. La longue chevelure noire nappait le sol et la poussière ne cessait de s’accumuler; un bourdonnement d’insecte au fin fond, sonnait le glas.

Les marches crissent sous ses pieds nus. Ce souffle rauque ! cette odeur acre de sang !
Elle avance droit sur lui, griffes en avant. Mais son corps reste figé, raide, son cœur lui déchire la poitrine, et les larmes inondent ses joues alors que la maison l’engloutit.

Le soleil se couche et un épais brouillard recouvre la pelouse de l’école. Les balançoires dansent étrangement au gré d’un vent inexistant. Des cliquetis. Une montagne qui grouille et se répand. Un lit noir et luisant se déplace sur le sol. Rien ne peut le camoufler. Quand soudain, une porte en bois, une maison. La poignée ne résiste pas. Une bouffée noire, étouffante lui saute à la figure et le dévore. Il n’y a pas d’échappatoire.

Il trempe ses pieds dans un cours d’eau. Le silence. Pesant. Tellement présent qu’il en semble palpable. S’il sort de l’eau et se retourne, ce sera la fin. L’eau gèle, enserre ses pieds. Il faut sortir ! il court, droit devant lui ! jusqu'à la maison ! Mais elle attend, elle est toujours là, elle est partout. Elle est le silence. Plus rien n’existe, même plus lui.


Les nuits étaient parcourues de frissons et de cris d’angoisse. L’on cherchait les enfants. Pourquoi avaient-ils tous cet air d’intense effroi, ces yeux égarés et ces membres tremblants ? Une vague d’appréhension recouvrait chaque maison. Le jeune homme ressentait cette agitation néfaste. Il avait vu l’enquêteur interroger les familles. Tous parlaient de la grande bâtisse abandonnée. Elle trônait, monstre immense et immuable, dans les cauchemars des victimes. Mais lui, il ne la voyait pas. Son sommeil n’était jamais agité. Elle préférait donc les autres ? et lui n’ existait déjà plus ! Il avait cessé de déposer des boites sur le palier, cessé de guetter sa silhouette derrière les carreaux encrassés des vitres. Mais ces clameurs ! elle était toujours là. Il fallait vérifier. Oui ! tout reprendrait son sens s’il la voyait. Pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt ?



Elle voyageait. Le souffle la portait et à travers les parois elle se glissait, aussi souple, aussi légère et malléable que la vapeur. Chaque particule de son corps y tendait. Le sang dans ses veines courait, toujours plus vite. Elle était la bête, redoutable, assoiffée. Et le monde était à elle, plus que jamais. Les âmes innocentes tremblaient avant de succomber. La toile qu’elle tissait était sans faille. Elle était la toute puissance; elle était l’infini dans ce néant cauchemardesque créé par elle. Ils n’étaient tous que des insectes dont elle arrachait les pattes, une à une, rompant les articulations, se repaissant du craquement sinistre. C’était comme déloger une dent récalcitrante; entailler la gencive, déboîter la mâchoire; c’était la libération, l’instant fatidique où le sang brûlant s’échappe à flot dans la bouche. C’était la vie, c’était la vérité, c’était sa seule voie.



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